Les ouvrages d’histoire du droit international public sont suffisamment rares pour que la publication de l’épais volume de Dominique Gaurier constitue en soi un apport important. Gaurier, docteur en droit et Maître de Conférences à l’Université de Nantes, est l’auteur d’une thèse sur La mise par écrit des normes juridiques et ses conséquences sur la formation de la pensée juridique (1988), d’un Droit maritime romain (Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004) et de plusieurs articles, notamment sur la Chine ancienne.
Son Histoire du droit international, une discipline qu’il enseigne depuis 2000, est clairement un manuel pédagogique qui s’adresse d’abord aux étudiants et aux chercheurs en histoire ou en droit international public, mais qui peut tout aussi bien tenir lieu de recueil dans la mesure où il contient et présente de nombreuses traductions inédites de textes anciens. Il s’agit donc d’un ouvrage de référence bienvenu dans un domaine qui en compte trop peu.
Sa problématique est audacieuse et originale à plusieurs titres. D’abord, l’auteur critique certains usages terminologiques, et conteste notamment que le Ius Gentium puisse être valablement tenu pour un équivalent du droit international. Ensuite, il déborde les limites traditionnelles du sujet, dans le temps et dans l’espace. D’une part, il ne postule pas, comme on le fait habituellement, qu’il faut nécessairement attendre l’émergence de l’idée de nation au XVIe siècle pour faire commencer l’histoire du droit international public. Il remonte bien au-delà de Grotius et Vitoria, pour consacrer une portion non négligeable de son travail à l’Antiquité et au Moyen-Âge. La période couverte s’étend du troisième millénaire avant J.C. à la fin de la Société des Nations en 1945. D’autre part, il ne se limite pas non plus à une perspective eurocentrée, et intègre notamment les exemples de la Chine ancienne et de l’Islam médiéval.
L’auteur suit une méthodologie rigoureuse, prudente et précise. Il utilise directement les sources plutôt que de s’en remettre à la littérature secondaire. Les citations sont abondantes, fréquentes, parfois longues : le lecteur a accès à de nombreux extraits des textes originaux, présentés et commentés. Il suit la chronologie de Bouthoul qui distingue trois phases dans l’évolution du droit international : théologique, métaphysique et positiviste.
Le plan s’organise en sept chapitres. Les trois premiers sont consacrés à l’Antiquité, orientale d’abord, gréco-romaine ensuite, puis au Moyen-Âge. Les quatrième et cinquième sont dévoués aux auteurs classiques et fondateurs de la théorie du droit international – l’occasion de redécouvrir une multitude de penseurs que la seule figure de Grotius éclipse trop souvent. Après avoir présenté les hommes et leurs oeuvres, Gaurier examine plus particulièrement quelques thèmes : le droit naturel, la guerre juste, la souveraineté, la neutralité, les traités et le droit des ambassades. Le sixième chapitre présente les étapes marquantes de l’histoire européenne, de la paix de Westphalie de 1648 à la seconde Conférence de La Haye de 1907. Enfin, le septième et dernier chapitre est entièrement consacré à une idée ancienne et permanente : les projets de paix perpétuelles, des utopies médiévales à l’ONU, en passant par Kant, Bentham ou Habermas.
Gourier insiste donc autant sinon plus sur les aspects doctrinaux que sur la matière événementielle. On notera d’ailleurs que malgré l’objectif nécessairement descriptif d’une histoire du droit international public, la réflexion normative n’est pas absente et l’auteur fait lui-même quelques propositions intéressantes, notamment en conclusion lorsqu’il suggère un dépassement du droit inter-national, c’est-à-dire un dépassement de la nation qui sert trop souvent de paravent aux pires violences, pour revenir vers un ius inter gentes, un « droit entre les peuples ».
Une trentaine d’encarts sur des sujets précis viennent étoffer le texte, qui est suivi d’une annexe sur les projets européens et les courants pacifistes antérieurs à la première guerre mondiale. La bibliographie ne se trouve pas à la fin du volume mais est distribuée progressivement dans chaque section. La table des matières est détaillée mais, compte tenu de la richesse de l’ensemble, il faut regretter l’absence d’index.