Si l’idée de guerre préventive pose toujours des problèmes insolubles à la théorie de la guerre juste, c’est en raison de son caractère irréductiblement paradoxal. Il est consensuel de dire que l’intervention militaire est toujours un aveu d’échec, qu’il vaut mieux éviter la guerre que la faire, et que c’est pour cette raison qu’on s’entend depuis des siècles pour la considérer comme un dernier recours seulement. Autrement dit, on considère la prévention comme une alternative, un moyen d’éviter la guerre. Et voilà qu’avec l’idée de guerre préventive la prévention devient la motivation de la guerre, et la guerre le moyen de la prévention. Mais prévenir quoi ? Un mal plus grand, une guerre plus dévastatrice. Le paradoxe résulte du fait que le moyen et la fin sont les mêmes : l’objectif est toujours d’éviter la guerre, mais le moyen proposé pour cela est de la faire – en présupposant que celle qu’on fait est préférable à celle qu’on évite de cette manière. La guerre préventive présente donc l’originalité d’être à la fois offensive et défensive. Elle se présente surtout comme une notion confuse, à vrai dire, car les deux termes qui la composent sont problématiques. Elle est toutefois dans l’usage et, avec ces réserves, cet article l’utilisera, pour mieux montrer les difficultés inhérentes à toute tentative de codifier un droit de prévention ou de préemption en matière de légitime défense.